Santé : les mutuelles et les réseaux de soins.

L'Assemblée Nationale examine aujourd'hui un projet de loi qui autoriserait les mutuelles santé à développer leurs propres réseaux de soins. Le système existe déjà, sauf que les mutuelles n'ont pas le droit, a contrario des assureurs et instituts de prévoyance, de mettre en place des réseaux de soins et d'y orienter leurs adhérents pour faire varier le niveau de remboursement. Cette proposition de loi émanant du groupe socialiste vise à rétablir l'équilibre pour qu'un maximum d'assurés puissent avoir accès à des soins de qualité avec une meilleure prise en charge.

Dans l'intention sont visés les soins en optique et dentaire dont les remboursements par la Sécurité Sociale sont anecdotiques. En développant les réseaux d'opticiens, les organismes complémentaires agissent sur la tarification ce qui a le double avantage de diminuer le reste à charge pour l'assuré et d'offrir un panel de clients aux professionnels. Les assureurs et les instituts de prévoyance sont autorisés à pratiquer une différence de remboursement quand leurs adhérents acceptent de passer par un réseau de soins agréé. Les mutuelles ne le sont pas depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2010. La proposition de loi a pour intention de corriger ce décalage. Pour mémoire, la Sécu ne rembourse en moyenne que 4% des dépenses en optique, 66% étant pris en charge par les organismes complémentaires. Pour un équipement monture et verres, les tarifs pratiqués par un réseau tel Kalivia (réseau commun à Harmonie Mutuelle et Malakoff Médéric) sont inférieurs de 40% à ceux du marché, ce qui réduit d'autant le reste à charge pour l'adhérent.

Le projet de loi ne plait pas aux professionnels de la santé. Ils reprochent aux mutuelles, mais également aux assureurs et instituts de prévoyance, de référencer les professionnels de santé sur la base de critères définis par eux seuls, et de créer ainsi des réseaux fermés. Ils craignent par ailleurs que le phénomène des réseaux ne s'étende aux médecins libéraux et prive ainsi les patients de leur liberté de choix. La dérive, selon eux, serait de créer un système à l'américaine qui rembourse uniquement l'assuré quand il se fait soigner via le réseau agréé. Le président de la Mutualité Française, Etienne Caniard, s'insurge en rappelant que les mutuelles "n'ont pas vocation à gérer le risque dans son ensemble" comme c'est le cas aux Etats-Unis. Les réseaux de soins ne concernent que les domaines où la prise en charge par le régime général est défaillant (optique, dentaire, orthodontie, audioprothèses). Etienne Caniard précise qu'un adhérent est toujours remboursé où qu'il aille, la prise en charge étant légèrement meilleure pour celui qui passe par le réseau.

Déjà la semaine dernière un certain nombre d'internes et de syndicats médicaux avait manifesté pour dénoncer une entrave à leur liberté d'exercer. La ministre de la Santé a tenu à rassurer les professionnels que la future loi garantira "pleinement la liberté de choix pour les patients" quel que soit le type de réseau. La loi pourrait par ailleurs exclure des réseaux les tarifs des médecins (généralistes et spécialistes), des infirmiers et infirmières libéraux et des kinésithérapeutes.

L'accès aux soins est encore une fois au coeur des débats. Face au désengagement progressif de la Sécurité Sociale, le relais doit être pris par les organismes complémentaires dont le rôle majeur dans l'offre de soins et de services s'affirme année après année. La liberté revendiquée par les praticiens ne doit en aucun cas étouffer celle des patients de pouvoir se soigner dans les meilleures conditions.



Francesco Romanello

Par , le mercredi 21 novembre 2012

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