Assurance vie : les fonds en euros sont-ils surévalués ?

La faiblesse des taux d'intérêt de long terme fait-elle craindre un scénario à la japonaise ? L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution fait un parallèle entre le contexte actuel vécu par le secteur de l'assurance vie en France et la crise qui a frappé les assureurs japonais dans les années 1990. La comparaison entre les deux situations met en lumière les défis auxquels les assureurs français doivent aujourd'hui faire face.

Le scénario japonais
Dans les années 90, les taux garantis servis par les assureurs vie japonais étaient déconnectés de la réalité économique et financière. Les assureurs garantissaient des taux supérieurs au rendement des actifs pour essayer de contenir la chute des souscriptions. La Poste japonaise (Kampo) fut le catalyseur d'un scénario catastrophe : comme elle garantissait des taux élevés à la demande du gouvernement et avec son soutien financier, les assureurs privés n'eurent pas d'autre choix que de suivre cette voie malgré l'exposition à un risque de rendement afin d'endiguer des vagues massives de rachat. Le gouvernement demandait le maintien de taux garantis supérieurs aux actifs, misant sur une reprise économique qui aurait pu effacer les pertes. Au lieu d'être capitalisées, les nouvelles souscriptions n'avaient d'autre but que de financer les pertes des contrats antérieurs : un système pyramidal qui entraîna l'insolvabilité de 7 assureurs vie japonais. Cette crise sans précédent a conduit à une réforme profonde du système financier japonais à partit de 1997.

Le contexte français
En France, la première réforme des taux garantis date de 1994. Conformément à une directive européenne sur l'assurance vie, elle a consisté à plafonner les taux garantis à 60% du TME (taux moyen d'emprunt d'Etat) pour les contrats de plus de 8 ans (contre 75% du TME auparavant). Le TME est le taux moyen de rendement des emprunts d'Etat à taux fixe supérieurs à 7 ans ; il sert de référence aux assureurs pour calculer le TMG ou taux minimum garanti, qui est le taux sur lequel l'assureur s'engage pour l'année en cours vis-à-vis des nouveaux souscripteurs.
En 2010, une deuxième réforme voit le jour : pour éviter les abus qui ont donné naissance à des TMG excessifs pour attirer le chaland, le TMG fixé ne peut excéder 85% du rendement des actifs de l'assureur au cours des deux dernières années. Les campagnes promotionnelles garantissant des taux pour une durée inférieure à 6 mois sont interdites. Enfin, la promesse de revalorisation des contrats bénéficiant d’un TMG ne doit pas nuire pas à la rémunération des autres contrats. En outre, en 1999 a été créé le FGAP, Fonds de Garantie pour les Assurances de Personnes, qui permettrait d'indemniser chaque assuré à hauteur de 70 000€ pour les contrats d'assurance vie en cas de faillite de l'assureur. Il n'a, à ce jour, jamais été mis à contribution.

Le contexte actuel de faiblesse des taux d'intérêt de long terme en Europe est à rapprocher de l'environnement rencontré par les assureurs vie japonais dans les années 90. Si les taux restent à de tels niveaux exceptionnellement bas (raison pour laquelle les taux d'intérêt des crédits immobiliers sont si attractifs), pourrait être remise en cause la capacité des assureurs français à tenir leurs engagements de rémunération garantie. De même qu'une remontée brutale des taux leur serait préjudiciable. Les assurés doivent-ils craindre pour leur épargne ? L'ACPR se veut rassurante : la mise en place progressive des règles prudentielles de Solvabilité II, ainsi que d'autres outils complémentaires, visent à améliorer la prise en considération des risques et doivent empêcher un scénario à la japonaise.



Audrey Benzaquen

Par , le jeudi 26 juin 2014

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