Assurance de prêt : le scandale des 19 milliards d'euros conservés par les banques.

Audrey Benzaquen,

L'affaire aurait pu être réglée quand, en juillet 2012, le Conseil d'Etat avait donné raison à l'association UFC-Que Choisir dans sa bataille contre trois organismes de crédit (CNP Prévoyance, Caisse d'Epargne et Cofidis) concernant le reversement des bénéfices aux souscripteurs d'une assurance de prêt. Malheureusement l'arrêt rendu ce jour-là n'est pas suffisamment clair pour que la collectivité des assurés emprunteurs puissent récupérer leur participation aux bénéfices.

L'arrêt du Conseil d'Etat
Le 23 juillet 2012, le Conseil d'Etat avait rendu une décision relative à l'assurance emprunteur : il estimait nécessaire la redistribution aux consommateurs emprunteurs les bénéfices techniques et financiers des contrats prévue par l'article L.331-3 du Code des Assurances. Le Conseil d'Etat avait déclaré en effet illégal cet article dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 23 avril 2007, dès lors que ce même arrêté excluait l'assurance de prêt, pourtant dans la majorité des cas souscrite sous la forme de contrats collectifs (contrats groupe des banques). Le juge administratif suprême estimait alors bien fondée la saisine de l'UFC-Que Choisir et ouvrait la voie à la pleine application de la loi permettant la redistribution effective aux millions d'assurés concernés (crédit immobilier et crédit à la consommation) d'une part des bénéfices réalisés sur la période 1994-2007. 10 millions de personnes seraient concernées, pour des sommes en jeu colossales : quelque 19 milliards d'euros (surprimes qui n'ont pas servi à couvrir les risques et intérêts financiers) que les assureurs mais surtout les banques ont conservés pendant plus de 10 ans.

Comment récupérer cet argent ?
Les assurés (prêts immobiliers contractés entre 1996 et 2005 et crédits conso signés entre 1997 et 2007, adossés à une assurance groupe) ont jusqu'au 23 juillet prochain pour réclamer leur dû. Premier obstacle, impossible d'obtenir les documents comptables auprès des banques pour déterminer le montant des bénéfices techniques et financiers que les assureurs ont reversés aux banques, et calculer ensuite pour chaque assuré la part qui lui revient. Second obstacle, l'absence de clarté de la part des instances d'Etat. Le Ministère de l'Economie et des Finances s'est contenté de préciser en octobre 2012 que la répartition du montant entre les différents assurés relève de la liberté contractuelle. En outre chaque assuré ne bénéficie pas d'un droit individuel à l'attribution d'une somme déterminée au titre de la participation aux bénéfices techniques et financiers. Il n'est donc pas de calcul évident ni mécanique de la participation minimale aux bénéfices d'un assuré en particulier. Le propos est même cynique quand le ministère met en avant les efforts des pouvoirs publics à faire évoluer le marché de l'assurance de prêt (loi Lagarde qui offre la possibilité de délégation d'assurance depuis septembre 2010).


Dans ce contexte, l'UFC-Que Choisir incite les assurés à ne pas engager de "procédure judiciaire longue et couteuse compte tenu de l'aléa judiciaire". Reste-t-il une chance de récupérer cet argent ? C'est peu probable. Le Tribunal de Grande Instance de Paris doit se prononcer à compter de septembre prochain sur l'une des procédures engagées par UFC-Que Choisir en 2007. Dans le cas d'une décision favorable, les assureurs n'hésiteront pas à mettre en avant la prescription de l'action.