Assurance emprunteur : toujours le monopole des banques.

Audrey Benzaquen,

Censée briser le monopole des banques en matière d'assurance de prêt, la loi Lagarde n'a fait qu'asseoir leur suprématie. Le marché est aujourd'hui tenu à près de 90% par les organismes bancaires. Il reste peu pour les autres acteurs. Malgré une loi facilitant le libre choix de l'assurance emprunteur, force est de constater que les banques ont toujours la mainmise sur le produit. Introduite en septembre 2010, la loi Lagarde permet à tout emprunteur de souscrire l'assurance de prêt auprès de l'organisme qu'il souhaite. Les chiffres montrent que la loi n'a pas réussi à ouvrir la concurrence, les banques auraient même renforcé leur position dominante en s'adaptant au marché.

Pourtant les intentions de la loi Lagarde étaient louables. En contraignant les banques à respecter des obligations envers les emprunteurs, la loi leur a paradoxalement offert le contrôle du marché. Rappel du cadre légal : pour que la délégation d'assurance soit validée, l'emprunteur doit présenter à l'organisme prêteur une proposition d'assurance dont le niveau de garanties est au moins équivalent à celui du contrat groupe. Le mode d'évaluation des différents contrats reste à la discrétion des banques, la loi Lagarde n'ayant pas standardisé le processus. Une lacune qui fait le jeu des banques, puisqu'elles ont toute latitude pour justifier le refus de non-équivalence des garanties. L'enjeu commercial en est la clé, les marges sur ce segment sont conséquentes (autour de 50%). Les banques ne sont donc pas prêtes à céder leurs parts de marché. Soulignons par ailleurs que les banques n'hésitent pas à facturer des frais pour délégation d'assurance.

La loi a pourtant le mérite d'avoir enrichi la gamme. Les offres alternatives ont gagné en qualité pour se démarquer des contrats groupe. Les banques ont saisi également l'opportunité d'améliorer leurs produits, stratégie gagnante pour contrecarrer les propositions externes. Le problème est que l'emprunteur voit dans l'assurance un élément trop accessoire pouvant pénaliser l'octroi de son prêt. Difficile pour lui d'évaluer correctement et rapidement la couverture des contrats et leur coût global. Les banques ont peaufiné leur discours pour prouver aux emprunteurs tout l'intérêt qu'ils ont à souscrire le contrat interne. Si les emprunteurs sont aujourd'hui plus nombreux à connaître la possibilité de choisir librement leur assurance de prêt, ils préfèrent signer la proposition de la banque plutôt de compromettre la finalité de leur projet.

La solution pour qu'une réelle concurrence existe passera sans doute par la réforme bancaire. Le projet de loi bancaire adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale le 19 février dernier prévoit des améliorations à la loi Lagarde. Afin d'aider l'emprunteur dans sa démarche de souscription au contrat qu'il aura choisi, de nouvelles propositions ont été faites : remise obligatoire de la fiche standardisée dont le contenu sera fixé par décret ; obligation pour le prêteur de manifester son refus du contrat en délégation dans un délai maximum de 8 jours ; mise en place d'un TAEA (taux annuel effectif assurance) permettant à l'emprunteur de comparer plus facilement le coût de l'assurance dans le coût global du crédit ; interdiction de frais de délégation. Le projet de loi reste pourtant très limité dans son objectif d'offrir plus de protection au consommateur. Il ne précise nullement la notion de niveau de garanties équivalent et n'assortit l'obligation de respecter un délai de 8 jours pour refus d'aucune sanction pour la banque. Le 20 mars, le Sénat a validé à son tour le projet de réforme bancaire concernant le volet de l'assurance emprunteur.