Assurance vie : besoin de réformes.

Audrey Benzaquen,

Le prochain doublement du plafond du Livret A constitue un grief tout désigné pour justifier cette mauvaise passe. Le mal est plus profond, plus structurel. La décollecte de l'assurance vie qui dure depuis des mois ne doit rien au Livret A. L'engouement sans précédent pour le livret défiscalisé est symptomatique de l'époque. La recherche systématique de souplesse et de liquidité profite à l'un quand le contexte économique et financier pénalise l'autre. L'assurance vie doit trouver une nouveau souffle pour que son rôle de soutien à l'économie nationale soit maintenu.

Le transfert d'épargne de l'assurance vie vers le Livret A (et le LDD) est la crainte avancée par les assureurs et bancassureurs. Bien que le volume de l'encours de l'assurance vie (plus de 1 300 milliards d'€) ne soit pas comparable à celui du Livret A (302 milliards à fin juillet, incluant le LDD), les chiffres de l'assurance vie, dans le rouge depuis août 2011, inquiètent les professionnels. A juste titre. La décollecte est accentuée par le départ en retraite de la génération d'après-guerre, ces baby-boomers qui ont besoin de liquidité pour financer leurs vieux jours. Les versements ne compensent plus les prestations ; depuis janvier l'assurance vie a perdu 4,7 milliards d'€ et 10 milliards sur un an.

Incriminer le succès du Livret A et le prochain doublement de son plafond est une façon de tirer la sonnette d'alarme pour un produit financier qui devient pus problématique et complexe à gérer que réellement profitable. L'érosion des rendements de l'assurance vie s'inscrit dans une logique prudentielle motivée par la crise de l'euro. On a évoqué l'an passé l'exposition des banques et des assureurs aux dettes souveraines des Etats défaillants de la zone euro. Le contexte actuel impose d'investir dans des actifs moins risqués (les obligations françaises ou allemandes) qui sont aussi moins rémunérateurs. L'OAT 10 ans de l'Etat français tourne autour des 2%, un point en-deçà de sa valeur il y a 12 mois. La rémunération est quasiment nulle avec l'obligation allemande, le Bund 10 ans affichant un maigre 1,3%.

Pour se conformer aux directives de Solvency 2 (augmentation des fonds propres notamment), les banques et les assureurs doivent limiter le risque et investir dans des actifs dont le taux compense à peine celui de l'inflation. Il y a 5 ans les contrats en euros rapportaient plus de 5% pour une inflation maitrisée en-dessous de 2%. Aujourd'hui l'inflation atteint 2%, le rendement moyen escompté de l'assurance vie pour l'année 2012 ne devrait guère excéder 3% nets hors prélèvements sociaux. Si l'inflation augmente, hypothèse réaliste avancée par les experts (hausse du prix du pétrole et des matières premières), la rémunération des fonds en euros sera d'autant plus affectée. Un mouvement inflationniste favoriserait au contraire le Livret A dont la rémunération dépend directement du niveau de l'inflation. Aujourd'hui à 2,25%, le taux de rendement du livret pourrait en 2013 dépasser celui de l'assurance vie.

On n'oublie pas que l'assurance vie est fiscalisée quand le Livret A reste totalement exonéré d'impôt. Chatouillée à maintes reprises par les politiques, la fiscalité de l'assurance vie a besoin d'être clarifiée sur le long terme. Une des idées du candidat Hollande était d'imposer tous les revenus du patrimoine, y compris ceux de l'assurance vie qui ne pourrait plus bénéficier du prélèvement forfaitaire libératoire. Le projet de loi de finances 2013 dira prochainement si la piste est retenue. Pour dynamiser les rendements et optimiser la fiscalité, les assurés devront sans doute regarder plus volontiers du côté des unités de compte. Aux assureurs de mettre en avant des arguments (sécurisation des plus-values, arbitrage, rééquilibrage automatique, fonds en euros investis sur l'immobilier) pour valoriser des produits plus risqués.