Complémentaire santé : les Mutuelles de France contre l'extension des contrats groupe.

Audrey Benzaquen,

L'accord sur la sécurisation de l'emploi, signé le 11 janvier dernier entre les partenaires sociaux (syndicats et patronat), prévoit l'extension des contrats de santé complémentaire à tous les salariés du privé. Une avancée sociale à première vue, un non-sens pour certains qui fustigent le coût engendré par l'extension telle qu'elle est prévue dans l'accord, coût qui aurait un impact sur le principe de solidarité, fondement même du régime général obligatoire.

La généralisation de la complémentaire santé obligatoire par accord de branche menacerait-elle notre système de santé ? C'est l'avis de la Fédération des Mutuelles de France par la voix de son président Jean-Paul Benoît. Que dit l'article 1 de l'accord du 11 janvier ? Il rend obligatoire la complémentaire santé groupe à tous les salariés du privé. Les entreprises ont jusqu'au 30 juin 2014 pour désigner l'organisme complémentaire par accord de branche ou à défaut d'accord de branche de négocier individuellement avec l'organisme de leur choix, en vue de faire bénéficier leurs salariés d'une couverture complémentaire à compter du 1er janvier 2016. Le financement de cette couverture sera partagée par moitié entre salariés et employeurs.

Ce type de contrat groupe déjà existant dans la plupart des grandes entreprises bénéficie d'exonérations sociales et fiscales que la Cour des Comptes a chiffrées à 4,3 milliards d'euros dans un rapport de septembre 2011. L'extension des contrats groupe à l'ensemble des salariés du privé représenterait un coût supplémentaire de 2,5 milliards d'euros et permettrait de couvrir 400 000 personnes. Le manque à gagner pour les fonds publics mettrait en péril le principe d'universalité de notre régime de santé. C'est très louable de vouloir apporter une couverture santé complémentaire à tous les salariés, mais en liant cette protection sociale au contrat du travail, on laisse sur la touche toute une population défavorisée, les jeunes en formation, les chômeurs et les retraités. On estime aujourd'hui à 4 millions le nombre de Français qui ne bénéficient d'aucune complémentaire santé. Les fonds publics dépensés pour l'extension de la couverture santé obligatoire à l'ensemble des salariés du privé suffiraient à protéger ces 4 millions de personnes.

Les transferts de charge de l'Assurance Maladie vers les complémentaires santé encouragent par ailleurs les dérives des dépassements d'honoraires. Toujours selon les Mutuelles de France, 80% des contrats groupe prennent en charge les dépassements d'honoraires, contre seulement 30% des contrats individuels. En autorisant les remboursements des dépassements d'honoraires, les organismes complémentaires encouragent le phénomène, et ce n'est pas l'accord sur les dépassements d'honoraires de fin octobre 2012 dont aucun des signataires n'assume plus sa mise en place qui devrait changer la donne.

Les Mutuelles de France réclament un vrai débat sur l'enjeu social et budgétaire que représente la généralisation de la complémentaire. Le projet de loi transposant l'accord du 11 janvier doit être adopté en conseil des ministres mercredi 6 mars avant d'être soumis au Parlement début avril.