Mutuelle santé : la généralisation de la complémentaire santé creuse les inégalités.

Francesco Romanello,

Dans quatre mois, tous les salariés seront couverts par une complémentaire santé au sein de leur entreprise. La généralisation de la couverture santé est réservée au monde du travail et exclut de fait une partie de la population, ceux qui sont les plus fragiles. Critique d'une mesure qui fait échec à l'accès aux soins pour tous.

Généralisation de la complémentaire santé
A compter du 1er janvier 2016, tous les salariés du privé devront être couverts par la mutuelle collective et leur cotisation prise en charge à hauteur de 50% par leur entreprise. Cette mesure résulte de l'ANI (Accord National Interprofessionnel) signé en janvier 2013, qui oblige les entreprises, quelle que soit leur taille, à mettre en place un contrat de santé collectif dont les bases ont été précisées par décret.
Cette couverture complémentaire doit en effet respecter le cadre du nouveau contrat responsable qui comprend entre autres des plafonds de remboursement en optique, et doit offrir un panier de soins minimum.

Les exclus de l'ANI
Par le mécanisme de la généralisation de la complémentaire santé, le taux de non-couverture devrait passer de 5% à 4% selon les projections de l'Irdes (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé). Un ajustement tout relatif qui s'explique par un taux de protection collective déjà élevée avant la loi. L'impact de la généralisation de la complémentaire santé en entreprises sur la non-couverture est donc très limitée. Les "laissés pour compte" d'avant l'ANI seront toujours les mêmes en 2016 :
• les chômeurs
• les salariés en contrats temporaires (dispensés d'adhésion)
• les travailleurs indépendants
• les retraités.

Cette frange de la population est pourtant celle qui nécessite le plus une aide pour accéder à une couverture complémentaire. L'Irdes rappelle que l'accès aux soins est très dépendant de la possession d'une complémentaire santé. Malgré la mise en place de la CMU-C en 2000 et de l'ACS en 2005, 5% de la population restaient toujours privés de mutuelle en 2012, essentiellement pour motifs financiers. En cause : le coût des contrats individuels. Or, la généralisation de la complémentaire santé a pour effet de renforcer la segmentation du marché de l'assurance entre contrat individuels et contrats collectifs, et d'engendrer un surcoût pour les offres individuelles.