Remis maintes fois aux calendes grecques, l'accord pour limiter les dépassements d'honoraires des médecins a finalement été signé en octobre dernier. Un compromis qualifié d'historique par les parties prenantes, les syndicats de médecins libéraux, l'Assurance Maladie et les organismes de santé complémentaires. Alors qu'il est en passe d'être appliqué concrètement, cet accord suscite encore la controverse au sein du monde médical... et pourrait fragiliser la ministre de la Santé, Marisol Touraine, desservie par une gestion approximative du dossier.
Nouvel épisode dans la longue saga des dépassement d'honoraires. Conclu aux forceps fin octobre 2012, l'accord visant à encadrer les dépassements d'honoraires voit sa mise en application bloquée. Courant janvier, syndicats signataires de l'accord et responsables de l'Assurance Maladie et des complémentaires se sont réunis en décembre et janvier pour définir les modalités concrètes sur le terrain. La dernière discussion en date du 17 janvier aboutit à un blocage et une rupture du dialogue.
En cause, la stigmatisation de certains médecins par une application rigoureuse du seuil de 150% retenu pour définir un dépassement abusif. L'accord promettait que ce pourcentage serait un repère susceptible d'évoluer en fonction de critères (réputation du médecin, lieu d'exercice). Il était également prévu de mettre en place un dispositif pédagogique à l'intention des médecins dont les tarifs sont jugés excessifs. Cette relative souplesse est remise en cause par le directeur de la CNAM, Frédéric van Roekeghem, qui souhaite imposer la rigueur et appliquer des sanctions aux médecins hors marge. 1 500 praticiens seraient dans le viseur de la CNAM pour des tarifs dépassant en moyenne de 150% les tarifs conventionnés.
2 syndicats de médecins signataires de l'accord (CSMF et SML) s'insurgent et critiquent la méthode visant à jeter l'opprobre sur "ces gros dépasseurs". La menace de sanctions est pourtant intégrée dans l'accord d'octobre, comme a tenu à le rappeler MG France, troisième signataire du texte. Une poignée de médecins devrait-elle rendre caduque un accord nécessaire, même s'il demeure pour le collectif interassociatif pour la santé (CISS) un "véritable permis d'abuser " ?
Des questions subsistent. Si sanctions il y a, seront-elles réellement appliquées ? Leur application sur les quelques médecins incriminés aura-t-elle une incidence sur le niveau global des dépassements ? Quant est-il du contrat d'accès aux soins destiné aux médecins s'engageant à ne pas dépasser de plus de 100% du tarif opposable ? Beaucoup doutent aujourd'hui de l'efficacité du système, à commencer par les organismes complémentaires. Mercredi 8 février, Etienne Caniard, président de la Mutualité française, n'a pas caché son scepticisme, craignant le manque d'intérêt des médecins pour ce contrat visant à réduire les dépassements d'honoraires au gré des revalorisations des tarifs de la Sécu. Est-ce utile de préciser que ces dernières ne sont pas d'actualité ?