Généralisation de la complémentaire santé : bonne année et bonne santé...mais pas pour tous !

Francesco Romanello,

A compter du 1er janvier 2016, toutes les entreprises du secteur privé doivent proposer une couverture santé complémentaire à leurs employés. Cette "généralisation" de la complémentaire santé n'en a que le nom, laissant de côté toute une frange de la population, les chômeurs et les retraités, ceux qui ont le plus besoin d'un soutien pour couvrir leurs dépenses de santé.

La généralisation de la complémentaire santé
Cette mesure phare, inscrite dans la loi de sécurisation de l'emploi votée en juin 2013, s'est mise en place progressivement ces dix-huit derniers mois. Elle oblige toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à proposer un contrat collectif à l'ensemble de leurs salariés. Elle doit toucher environ 4 millions de salariés, essentiellement dans les PME et TPE, puisque les grandes sociétés étaient déjà nombreuses à avoir mis en place un contrat collectif.
Financée pour moitié par l'employeur, la complémentaire santé obligatoire doit présenter un niveau minimum de garanties (panier de soins), notamment la prise en charge intégrale du forfait hospitalier et le remboursement du ticket modérateur pour les consultations et autres actes remboursés par la Sécu. Les frais dentaires sont pris en charge à hauteur de 125% et l'optique bénéficie de forfaits minimum entre 100€ et 200€ selon correction. Libre à chaque entreprise d'améliorer le niveau de protection. Les garanties optionnelles éventuellement proposées sont à la charge du salarié.

Les oubliés du dispositif
Cette généralisation de la complémentaire santé est improprement dénommée. Une partie de la population en est exclue, à commencer par les travailleurs non salariés (TNS), c'est-à-dire la majorité des patrons de PME et TPE, ceux concernés en premier chef par cette disposition. Heureusement la loi Madelin leur permet de veiller à leur protection sociale dans un cadre fiscal incitatif, sans qu'il y ait obligation légale.
Les chômeurs et les retraités sont également marginalisés par le dispositif. Pour couvrir leurs dépenses de santé, ils n'ont d'autre recours que les contrats individuels souscrits librement, sous réserve d'en avoir les moyens financiers. Le plus modestes ont accès à la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) ou à l'ACS (aide à la complémentaire santé), deux soutiens financiers attribués selon les ressources. Or la généralisation de la complémentaire a pour effet pervers d'augmenter le coût des contrats individuels, puisqu'elle réduit le principe de mutualisation en retirant du marché individuel environ 4 millions de personnes.
La généralisation de la couverture santé complémentaire est présentée comme une avancée sociale, en visant à mieux protéger le risque santé pour l'ensemble des Français. La dérive de cette loi sera d'obliger les salariés, auparavant satisfaits de leur contrat individuel, à souscrire une sur-complémentaire pour être mieux protégés. Il est par ailleurs important de rappeler que l'Etat a supprimé depuis janvier 2015 l'exonération fiscale du financement de l'employeur aux contrats collectifs, augmentant de facto le revenu imposable du salarié sur une part qui lui est imposée. L'écueil de la généralisation de la complémentaire santé est aussi avoir mis de côté les chômeurs et les retraités, une frange de la population qui devrait être assurée en priorité.