Santé : Facebook et la désinformation sur les vaccins

Santé : Facebook et la désinformation sur les vaccins

Le phénomène prend de l'ampleur et pourrait devenir une vraie bombe à retardement. Le réseau social Facebook est devenu une vitrine des mouvements anti-vaccins, ce qui inquiète la communauté scientifique mondiale. 

Les anti-vaccins très actifs sur les réseaux sociaux

Des maladies sous contrôle grâce à la vaccination ont refait leur apparition notoire en Europe. En novembre 2012, la cité galloise de Swansea a subi une épidémie de rougeole inhabituellement virulente, véhiculée par une poignée d'enfants qui avaient contracté le virus durant une colonie de vacances, infectant en six mois plus de 1 000 personnes. Il faut se reporter à juillet 1997 pour comprendre les prémices de cette épidémie. Un journal local avait alors publié le premier article mettant en cause la sécurité du vaccin ROR (Rougeole Oreillons Rubéole). Le taux de vaccination était passé de 91% à 77% suite à cette campagne de dénigrement. À partir de novembre 2012, le nombre de jeunes non protégés contre la rougeole était anormalement élevé. Vingt ans après, l'influence des médias traditionnels s'est estompée, laissant la place aux réseaux sociaux qui offrent désormais une tribune ouverte au scepticisme et à la désinformation, fake news ou infox pour utiliser le vocabulaire actuel.

Si vous tapez "vaccin" sur Facebook dans la barre de recherche, vous serez dirigé vers une multitude de groupes anti-vaccins alimentés par des militants qui se revendiquent "anti-vaxxers", vocable anglais pour désigner une personne opposée à la vaccination et aux lois qui prônent la vaccination. Nommons-en quelques-uns : Rage Against Vaccins, Stop Mandatory Vaccination, Learn the Risk, tous suivis par les dizaines de milliers de followers. Une fois que vous avez répondu à quelques questions pour tester votre scepticisme à l'égard des vaccins, vous avez accès aux commentaires de parents refusant de faire vacciner leurs enfants, accompagnés de propos cyniques sur les "pro-vaccins". D'autres groupes préfèrent une méthode plus subtile pour rallier de nouveaux partisans. Prenons The National Vaccin Information Center suivi par plus de 212 000 followers : cette ONG américaine partage sur sa page Facebook des articles alertant sur les effets des vaccins sur la santé. Le réseau social vous renvoie également sur une page pour le moins prosélyte, celle du Dc Tenpenny (230 000 likes) qui se décrit comme un spécialiste de la médecine holistique dont les affirmations sur la dangerosité des vaccins sont basées sur des recherches douteuses n'ayant aucun rapport avec l'éradication de la maladie. Sur Facebook, les sceptiques échangent des conseils de médecine alternative et des théories du complot. Ce mouvement anti-vaccin témoigne du lien brisé entre la communauté scientifique et la population. En France, le cas du professeur Joyeux, connu pour ses pétitions contre les vaccins, en dit long sur les dégâts irréparables des messages qui ne cessent de remettre en question tout ce qui est scientifique. Pour de nombreux parents, le message en faveur de la vaccination, acte préventif qui permet de réduire la mortalité infantile et de se protéger contre certaines maladies mortelles ou handicapantes, est brouillé.

Le nombre de requêtes anti-vaccination sur Google a progressé de 130% en cinq ans.

Les scientifiques inquiets des fake news sur les vaccins

Le scepticisme envers les vaccins gagne du terrain et ses effets pourraient se révéler à très court terme. Courant 2018, l'Europe a connu 54 000 cas de rougeole, deux fois plus qu'en 2017, et un record en vingt ans selon l'Organisation Mondiale de la Santé. L'Unicef, l'agence des Nations Unies pour l'enfance, lance aujourd'hui 1er mars un cri d'alarme devant la recrudescence de la rougeole dans le monde, soulignant que le Brésil, l'Ukraine, mais aussi la France, étaient responsables de trois-quarts de l'augmentation totale de cas en 2018. Entre 2000 et 2017, le taux de vaccination contre la rougeole chez les jeunes enfants a reculé dans neuf pays de l'UE. Huit pays membres dont la France n'avaient pas suffisamment de premières doses pour garantir l'immunité de la population concernée. Pour prévenir les épidémies de rougeole, le taux de couverture vaccinale avec deux doses doit atteindre au moins 95 %. Si la couverture des enfants éligibles en Europe est passée de 88 % à 90 % entre 2016 et 2017, des inégalités persistent avec des communautés dont les taux sont inférieurs à 70 %. Pour mémoire, la France a instauré la vaccination obligatoire contre la rougeole pour tous les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 pour rentrer en crèche ou à l'école. 

Heidi Larson, une anthropologiste, co-fondatrice de "The Vaccine Confidence Project", groupe académique basé à Londres qui tente de rétablir la confiance du grand public à l'égard de la vaccination, déplore un phénomène grandissant partout dans le monde. Le problème est d'autant plus difficile à appréhender que les raisons de ce scepticisme sont complexes. Les parents pourraient être sur-informés ou mal-informés sur les options de vaccination proposées. Heidi Larson tient néanmoins responsables les "anti-vaxxers" pour ce large mouvement de personnes qui préfèrent donner ouvertement crédit à une conspiration mondiale plutôt qu'au consensus scientifique.

Facebook commence doucement à prendre en compte les contenus anti-vaccins, sans s'alarmer outre mesure, puisqu'il estime que la diffusion reste limitée. Pinterest s'est emparé du problème nettement plus sérieusement en rendant impossible toute recherche au sujet des vaccins sur la plateforme. Les anti-vaxxers sont pourtant de loin les plus actifs sur les réseaux sociaux, éclipsant les messages officiels des organismes officiels de santé. Qu'ils soient politisés (extrême droite et extrême gauche), proches de la mouvance conspirationniste ou adeptes des médecines alternatives, les militants anti-vaccins inondent la toile de leurs propos inconscients, aidés par le manque de visibilité dans les moteurs de recherche, Google en tête, du discours officiel. Facebook, mais aussi Twitter et YouTube, véhiculent un argumentaire anti-vaccin qui obligent les autorités sanitaires à réagir pour occuper le terrain et reprendre la main grâce à des outils pédagogiques. Citons "Vaccins France - Information et discussions", premier groupe Facebook francophone créé par des médecins, des pharmaciens et des scientifiques qui propose une information sur les vaccins, rationnelle et étayée scientifiquement.



Hervé Labatut

Par , le vendredi 1 mars 2019

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