Méfiez-vous de certaines assurances dépendance

Méfiez-vous de certaines assurances dépendance

L'assurance dépendance est conçue pour financer les frais généralement conséquents auxquels l'assuré en situation de perte d'autonomie et sa famille doivent faire face. Le produit est régulièrement conspué par les associations de consommateurs, ces derniers empêtrés dans des litiges sans fin avec les assureurs qui rechigent à payer. En attendant une loi Grand Âge et autonomie qui devrait mettre les choses à plat, essayons de comprendre pourquoi certains contrats dépendance ont aujourd'hui un intérêt tout relatif.

Le coût exorbitant de la dépendance

Selon les chiffres officiels, le coût médian en établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) était, en 2016, de 1 949€ par mois pour une chambre seule, hors aides publiques. Cela signifie que la moitié des établissements facturent un prix inférieur à cette médiane, l'autre moitié un prix supérieur. Les écarts entre les Ehpad sont très importants : la fourchette va de 1 653€ à 2 798€ par mois, la situation géographique ayant une forte incidence sur la tarification. Le prix médian en zone rurale est de 1 798€, de 2 046€ en zone urbaine. En fonction du statut juridique de l'établissement, on constate également des différences importantes : un Ehpad public facture en moyenne 1 801€ par mois contre 1 964€ pour un établissement privé non lucratif et 2 620€ pour un Ehpad privé commercial.

La principale aide financière de l'État, l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA), intervient partiellement et varie selon le degré de dépendance de la personne, de son niveau de ressources, de son hébergement en structure spécialisée ou de son maintien à domicile. À moins de disposer d'un patrimoine ou d'une épargne dans laquelle puiser, les personnes modestes, même celles qui déclarent des revenus moyens, ne peuvent assumer les coûts énormes liés à une situation de perte d'autonomie. 1,6 millions de Français ont donc souscrit un contrat pour se couvrir en cas de dépendance. Malheureusement, nombreux sont ceux qui se retrouvent aujourd'hui privés des garanties, alors qu'ils sont reconnus dépendants selon les critères des pouvoirs publics.

Des contrats complexes et confus 

Le principe d'un contrat d'assurance dépendance est simple : en échange d'une cotisation régulière, l'assuré qui se retrouve en situation de perte d'autonomie reçoit de la part de son assureur une rente mensuelle viagère. Les premiers contrats ont été commercialisés dans les années 1990. À l'époque, ils prenaient en charge uniquement la dépendance totale qui se définit comme la perte de l'autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, et correspond au degré ultime selon la grille AGGIR (Autonomie, Gérontologie, Groupes Iso-Ressources), le barème des services publics qui permet d'évaluer l'état d'autonomie de la personnes âgée à partir de 6 degrés. En cas de dépendance partielle, la personne assurée n'est pas indemnisée. Rappelons que les contrats dépendance sont à fonds perdus, et ne constituent nullement une épargne de précaution comme une assurance vie ; si le risque n'intervient pas, les cotisations sont conservées par l'assureur. 

Les contrats dépendance ont intégré la prise en charge de la dépendance partielle au début des années 2000 et à partir de 2010, ils proposent aussi des prestations d'assistance et des services (recherche d'un établissement, services à domicile,...). Une fois le contrat signé, tout est figé : l'assuré perd ses droits acquis s'il souhaite changer de contrat même au sein de la même compagnie. Le système de cotisations étant viager, l'assuré n'est plus couvert s'il cesse les versements. 

Au bas mot, il faut cotiser 700€ par an à partir de 60 ans pour recevoir une rente de 1 500€ mensuels couvrant la dépendance totale, et 900€ par an pour la dépendance partielle. Plus l'âge à la souscription est élevé, plus le montant de la prime est important. La Fédération Française de l'Assurance recommande de cotiser dès 50 ans, ce qui peut représenter un joli pactole versé en pure perte si la situation de dépendance ne se manifeste pas (et c'est tout le mal qu'on peut souhaiter)...ou si l'assureur rechigne à indemniser.

Des litiges en pagaille 

Régulièrement, les associations de défense des consommateurs dénoncent l'opacité et la complexité des contrats d'assurance dépendance, ce qui se traduit par le retard voire le refus des assureurs à verser la rente. Le problème est lié à la définition même de dépendance. Certains assureurs adoptent le barème officiel utilisé pour l'attribution de l'APA, ce qui est plutôt favorable à l'assuré, d'autres s'appuient sur les Actes de la Vie Quotidienne (AVQ) qu'un médecin-expert de la compagnie d'assurance examinera. Les cas d'assurés bénéficiaires de l'APA dont l'indemnisation est refusée par l'assureur sont fréquents. Et pour cause. L'état de dépendance est évalué par les assureurs sur la seule base d'éléments médicaux, alors que les services de l'État et les collectivités locales prennent en compte d'autres critères (domestiques, sociaux).

Il existe bien d'autres points de litige parmi lesquels :

  • le délai de carence : la plupart des contrats prévoient un délai d'attente après la souscription entre un et trois ans ; si la personne est reconnue dépendante dans l'intervalle, elle ne sera pas indemnisée, sauf en cas de dépendance accidentelle. 
  • le délai de franchise : la rente n'est versée que plusieurs mois (trois en moyenne) après la dépendance avérée, ce qui constitue pour le moins un abus quand on sait qu'un état de dépendance lourde est constaté en fin de vie.
  • l'état consolidé : si une clause stipule que l'état de santé doit être consolidé, c'est-à-dire qu'il présente un caractère stable et définitif, pour déclencher le versement de la rente, l'assuré peut attendre ad vitam eternam ; or, l'état de perte d'autonomie se caractérise généralement par une dégradation progressive.
  • l'augmentation des cotisations : dans tous les contrats est prévue une clause qui permet à l'assureur d'augmenter la cotisation si le contrat n'est plus rentable ! Si l'assuré refuse, il voit ses garanties diminuer.
  • la non-revalorisation de la rente : le montant de la rente est fixé lors de la souscription, et ne tiendra pas compte de l'inflation. Certains contrats prévoient la revalorisation de la rente et du capital à un rythme variable.
  • la perte des fonds : si l'assuré cesse de cotiser, il perd ses droits et les sommes versées. La plupart des assureurs garantissent toutefois des droits réduits si l'assuré a cotisé au moins 8 années pleines.



Hervé Labatut

Par , le jeudi 27 juin 2019

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