Mutuelle santé : la généralisation de la complémentaire santé, un enjeu pour les mutuelles.

L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 entérine la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés du privé. A compter du 1er janvier 2016, tous les salariés devront être couverts par une complémentaire de santé au sein de leur entreprise. Cette avancée sociale s'accompagne d'un véritable choc pour les organismes complémentaires dont certains devront s'adapter à ce nouveau marché, le collectif, plus concurrentiel que l'individuel. L'enjeu est énorme : pas moins de 600 000 entreprises sont à équiper, en très grande majorité des TPE et des PME, et quelque 4 millions de salariés vont troquer leur formule individuelle contre un contrat collectif.

En 2016 les contrats collectifs concerneront 25 millions de personnes, si l'on tient compte des ayant-droit (conjoints et enfants). Aujourd'hui trois quarts des salariés bénéficient d'un contrat collectif, les autres étants couverts par une assurance individuelle (18%) ou par la complémentaire de leur conjoint (près de 4%). Il resterait un peu plus de 2% de salariés sans protection de santé complémentaire, soit 414 000.

La généralisation de l'assurance santé collective va bouleverser le marché des complémentaires. Elle va avant tout bénéficier aux institutions de prévoyance, déjà spécialisés dans les contrats collectifs. Les grands perdants ? Les bacassureurs, très forts sur le marché de l'individuel et les mutuelles de proximité, souvent des petites structures, qui risquent d'être phagocytées par les grands organismes. Pour ces dernières, le passage de l'individuel au collectif pourrait leur échapper ; les contrats collectifs sont en effet plus protecteurs que les contras individuels, et le marché collectif répond à un autre modèle économique.

Si les actifs sont à terme couverts par un contrat collectif, le marché de l'individuel va rapidement se limiter aux jeunes (étudiants) et aux personnes inactives, à savoir les seniors et les chômeurs, avec, comme effets collatéraux, une contraction de la mutualisation et un choc tarifaire avant tout pour les seniors. Les mutuelles de taille modeste auront sans doute à coeur de cibler ces niches, en premier lieu les futurs retraités (tranche d'âge 55-65 ans), plus aisés financièrement que les jeunes et les seniors plus âgés, a fortiori les demandeurs d'emploi. A côté d'une complémentaire santé très accessible pour les salariés (la prise en charge par l'employeur doit au minimum être de 50%), le risque n'est-il pas que les "autres" n'aient pas accès à des contrats individuels abordables ?

A l'émergence de ce nouveau marché, va se greffer celui des surcomplémentaires. L'uniformisation des complémentaires collectives ne laissera d'autre choix au salarié qui en aura les moyens que de renforcer les garanties par un contrat additionnel, une complémentaire à la complémentaire. Nous sommes là en présence d'une source d'inégalité entre ceux qui sont en activité, ceux qui ne le sont pas ou plus, beaucoup fragilisés par des situations précaires.



Audrey Benzaquen

Par , le lundi 3 mars 2014

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