Tarifs dentaires : la fin de la transparence.

Une loi d'avril 2009, mise en application en mars 2010, obligeait jusqu'alors les dentistes à faire preuve de transparence en précisant le coût de chaque prestation et le prix de l'appareillage fourni par le prothésiste. Le législateur voulait contraindre les chirurgiens dentistes à pratiquer des marges modérées et acceptables sur le prix d'achat des prothèses et améliorer de fait l'information aux patients. Les chirurgiens dentistes se sont immédiatement insurgé contre cette loi qu'ils jugaient "injuste et désastreuse" et qui portait atteinte à leur image. Le lobbying auprès des élus a porté ses fruits, puisque le Sénat a mis fin à cette loi quasiment mort-née le 9 mars dernier. Un recul préjudiciable aux patients dont beaucoup renoncent aux soins dentaires, faute de moyens.

Le texte initial avait déjà été amputé d'une partie significative de son contenu : en dehors du prix d'achat de l'appareillage qu'il devait préciser clairement et de manière dissociée des prestations associées, le praticien devait informer son patient de la provenance des prothèses dentaires. La loi aurait ainsi permis de contrôler la traçabilité des prothèses dont une sur trois est fabriquée à l'étranger pour réduire les coûts (en Chine notamment). Le tollé parmi la profession a abouti à une ordonnance qui est venue supprimer cette disposition, la loi ne retenant que l'obligation de transparence relative au prix.

Le 9 mars dernier, le Sénat vote pour la fin de l'obligation. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, soutient cette décision et précise même qu'à vouloir la transparence des tarifs il faudrait l'appliquer à toutes les professions commerciales, les dentistes étant avant tout des professionnels de la santé qui ne recherchent pas les profits sur la vente de matériels. Pourtant, compte tenu de la disparité des coûts des soins dentaires en France, cette loi aurait permis d'endiguer certaines dérives tarifaires. Selon les régions, le coût d'une prothèse varie du simple au triple ; se soigner à Paris ou dans une grande agglomération a largement plus d'impact sur le budget d'une famille qu'en province. Sans mutuelle ou complémentaire de santé, beaucoup ne peuvent supporter le reste à charge après l'imperceptible remboursement de la Sécurité Sociale.

En levant la fin de l'opacité sur les tarifs dentaires, l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, avait tenté de faire appliquer le droit des patients à une meilleure information. En mettant fin à cette loi aujourd'hui, le législateur n'agit pas en faveur des assurés, mais fait le jeu d'une puissante catégorie professionnelle à 14 mois d'une importante échéance électorale.