Comptes en déshérence : le dispositif de recherche manque d'efficacité

Comptes en déshérence : le dispositif de recherche manque d'efficacité

Mis en ligne début janvier 2017, le site Ciclade permet à toute personne de savoir si des sommes restées sur des comptes inactifs lui reviennent. A l'époque, les pouvoirs publics estimaient que 3,7 milliards d'euros étaient en attente d'être réclamés. En 2018, 11 milliards d'euros cherchent encore leurs propriétaires. La Cour des Comptes réclame une meilleure efficacité.

Protection renforcée des épargnants depuis 2017

Créé dans le cadre la loi Eckert du 13 juin 2014, le site Ciclade permet à toute personne, titulaire, souscripteur, bénéficiaire ou ayant droit, de rechercher gratuitement les sommes issues de comptes bancaires ou d'assurances-vie inactifs transférés à la Caisse des Dépôts (CD). Pour qu'un compte soit déclaré inactif, deux conditions doivent être réunies :

  1. l'absence d'opérations sur le compte durant 12 mois consécutifs (hors celles effectuées par la banque)
  2. l'absence de manifestation du titulaire du compte ou de son représentant légal auprès de la banque au cours des derniers 12 mois ; en parallèle, aucune opération sur un autre compte ouvert à son nom dans le même établissement ne doit être constatée.

Le délai de 12 mois est porté à 5 ans pour les livrets d'épargne, les comptes à terme et les comptes-titres.

En amont, les banques sont soumises à une obligation de procédure en matière de gestion des comptes inactifs :

  • s'assurer que les titulaires sont vivants en vérifiant notamment le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) qui permet de préciser si une personne est en vie ou décédée
  • informer les titulaires ou leurs représentants légaux ou ayants droits de l’état d’inactivité des comptes
  • transférer la gestion des comptes à la CD passé un certain délai (variable selon le type de produit et si le titulaire est décédé ou toujours vivant)
  • publier annuellement le nombre de comptes bancaires inactifs et le montant des encours détenus ou transférés à la CD.

La Caisse des Dépôts doit chaque année publier l'identité des titulaires des comptes transférés. Ces mesures s'appliquent à tous les comptes inactifs ouverts en France, également à ceux antérieurs au 1er janvier 2016.

En pratique, sans manifestation du titulaire encore vivant d'un compte bancaire, un produit d'épargne salariale (Plan Épargne Entreprise) ou un contrat d'assurance vie dans un délai de 10 ans, les sommes sont transférées à la CD. Il est alors possible de se faire restituer les fonds auprès de l'organisme via Ciclade. Sans demande de restitution, ils sont reversés à l’État qui les conserve de manière définitive après 30 ans d'inactivité des ayants droit. Si le titulaire est décédé, les fonds d'un compte bancaire ou d'un produit d'épargne salariale sont conservés par la banque durant 3 ans et non 10 avant d'être transférés à la CD où l'avoir peut être restitué via Ciclade jusqu'à la 30ème année qui suit le décès.

Ciclade, un service de restitution peu fonctionnel

Durant la première année d'exercice du dispositif, la Caisse des Dépôts a reçu des banques 3,7 milliards d'€ issus de quelque 6,5 millions de comptes en déshérence, un chiffre spectaculaire à mettre au crédit de ce nouveau cadre réglementaire. Près de 2 milliards d'€ provenaient de 5,5 millions de comptes bancaires inactifs, auxquels se sont ajoutés près d'un milliard issu de 400 000 produits d'épargne salariale non perçue et 843 millions d'€ de 550 000 contrats d'assurance vie. Fin 2018, la CD était assise sur 5,1 milliards d'€. Au total, selon le dernier rapport annuel de la Cour des Comptes, ce sont près de 11 milliards d'€ détenus par les banques et la CD (6,2 Mds€ pour les comptes bancaires et 4,7 Mds€ pour les assurances-vie) qui attendraient d'être réclamés par leurs bénéficiaires ! 

A ce jour, le dispositif Ciclade n'a permis de restituer que 143 millions d'€, soit 3% des sommes déposées à la CD. C'est peu dire si des progrès restent à faire pour lutter efficacement contre les fonds en déshérence. La Cour des Comptes identifie plusieurs problèmes auxquels sont confrontés les particuliers dans leur recherche via le site :

  • certains types d'avoirs ne peuvent être demandés que par voie postale
  • certains produits d'épargne salariale sont traités via un site internet distinct
  • les délais de traitement sont trop longs (6,4 mois en moyenne).

La Cour recommande d'optimiser les processus de traitement interne et réclame davantage de transparence de la part des banques et des assurances en "rendant obligatoire un rapport annuel des établissements à l'ACPR" et un élargissement de la définition des produits en déshérence, notamment aux contrats prévoyant une sortie en rente.




Hervé Labatut

Par , le vendredi 22 février 2019

Partager cet article :