Les cas où l'assurance vie entre dans la succession du souscripteur

Les cas où l'assurance vie entre dans la succession du souscripteur

Outil de transmission assorti d'avantages fiscaux, l'assurance vie est réputée "hors succession". Certains seraient tentés d'abuser de ce régime dérogatoire...au risque d'être rattrapés par l'administration fiscale.

Assurance vie hors succession

Selon le Code des assurances (art. L.132-13), les contrats d'assurance vie peuvent être transmis hors succession. Les sommes constituées (capital et intérêts) ne sont pas comptabilisées dans l'actif successoral que se partagent les héritiers. En principe, le bénéficiaire d'une assurance vie n'a pas à payer de droits de succession (dans la limite de l'abattement de 152 000€), ce bénéficiaire pouvant être librement choisi par le souscripteur au-delà du cercle des héritiers légaux. C'est ce qui fait de l'assurance vie un support fiscal idéal pour transmettre, car elle offre une marge de manœuvre dans le système français de la succession qui repose sur la réserve héréditaire et la quotité disponible, double principe qui garantit aux proches une quote-part du patrimoine du défunt. Cette règle de transmission "hors succession' a cependant ses limites.

Primes exagérées

Le droit français autorise à favoriser un héritier, le conjoint ou un tiers à la succession, mais il faut respecter la quotité disponible, c'est-à-dire "la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée et dont le défunt peut disposer librement par des libéralités" (art.912 du Code civil). Les enfants étant les héritiers réservataires, le taux de la quotité disponible se réduit à mesure que le nombre d'enfants augmente. Le Code civil prévoit une quotité disponible spéciale pour le conjoint survivant, qui n'est pas héritier réservataire quand il y a des descendants (légitimes, adoptés ou adultérins).

L'assurance vie n'est pas concernée par l'action en réduction qui encadre ces libéralités et échappe ainsi à la succession. Ce régime dérogatoire est cependant caduque lorsque les primes versées par le souscripteur sont "manifestement exagérées par rapport aux facultés du défunt". Cette notion de primes "hors norme" s'apprécie en fonction de l'âge, de la situation patrimoniale et familiale de l'assuré, et de l'utilité du contrat pour ce dernier. L'appréciation du caractère "manifestement exagéré" se fait au moment du versement des primes et non au moment du décès du souscripteur.

Le fisc évalue si le contrat d'assurance vie a été utilisé pour détourner l'héritage et échapper aux droits de succession, portant atteinte à la réserve héréditaire, lésant au passage l'administration fiscale.

Requalification en donation indirecte

Le contrat d'assurance vie est réintégré dans la succession, quand les circonstances par lesquelles son "bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de ce contrat de se dépouiller de manière irrévocable" (Cass., Com., 26 octobre 2010, pourvoi n°09-70927). Exemple : un contrat souscrit sur le lit de mort de l'assuré.

Si l'administration fiscale estime qu'en absence d'aléa au moment de la souscription, à savoir le décès du souscripteur à une date indéfinie, elle peut requalifier le contrat en donation directe, ce qui a pour conséquence de réintégrer les sommes dans l'actif successoral. On revient au caractère de libéralité évoqué précédemment, utilisé dans ce cas de manière déguisée. Les sommes reçues par le bénéficiaire font l'objet d'un redressement fiscal et imposées au titre de donation à titre gratuit.

Absence de désignation de bénéficiaire

Si le contrat a été conclu sans qu'il y ait eu désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine et donc intégré dans l'actif successoral du souscripteur. Pour mémoire, la désignation peut être :

  • directe : le bénéficiaire est désigné nommément (nom et prénoms) ;
  • ou indirecte : le bénéficiaire est désigné par sa qualité (mon conjoint, mes enfants, mes héritiers, etc.).

Selon l'article L.132-8 du Code des assurances, "est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis".

Assurance vie non dénouée

Ce dernier cas de figure concerne les époux communs en bien. Quel est le sort d'un contrat d'assurance souscrit par le conjoint survivant et alimenté par les fonds communs ? Le contrat est toujours ouvert, on dit alors qu'il n'est pas dénoué, et doit être considéré comme un bien commun dont la moitié de la valeur doit intégrer l'actif successoral de l'époux décédé. Pour les successions à compter du 1er janvier 2016 (réponse Ciot), le contrat est exonéré fiscalement au premier décès. Cette règle de non-intégration ne s'applique pas au second décès : les sommes versées aux bénéficiaires restent soumises à la fiscalité de l'assurance vie.



Francesco Romanello

Par , le mercredi 2 octobre 2019

Partager cet article :