Peut-on faire de son animal de compagnie son héritier ?

Peut-on faire de son animal de compagnie son héritier ?

Décédé le 19 février dernier, Karl Lagerfeld avait plusieurs fois évoqué le fait de léguer sa fortune à sa chatte bien aimée. Sans enfant, le couturier voulait faire de Choupette sa légataire. La loi française ne permet pas le legs à des animaux, mais il est possible de garantir un avenir confortable à son compagnon.

Animal : être sensible avec le statut juridique d'un meuble

L'article 515-14 du code civil définit les animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité et ajoute qu'ils sont soumis au régime des biens. Ce texte tant attendu des amis des animaux a force légale depuis le 16 février 2015. Il y a désormais une harmonie juridique entre le code civil, le code rural et le code pénal, ce qui va permettre une meilleure application du droit existant. À compter de cette date, les animaux ne sont plus des biens, ils sont uniquement soumis au régime des biens. N'y-aurait-il pas une incohérence ? Êtres vivants doués de sensibilité, les animaux sont soumis aux règles des meubles, ce qui prive de toute conséquence la première proposition. Pour autant, la valeur intrinsèque de l'animal l'emporte sur sa valeur purement patrimoniale.

S'il existe bien un droit de l'animal qui se rapporte à l'ensemble des règles concernant les animaux (à l'instar du droit du travail), l'animal n'est pas titulaire d'un droit. Seule une personne peut disposer de droits, et donc d'une capacité juridique qui lui donne le droit de posséder. L'animal ne peut donc pas hériter dans le droit français. Placé sous le régime des biens, le sort de l'animal se règle ainsi sous l'angle patrimonial par le biais de la succession.

Planifier l'avenir de son animal de compagnie

Il existe néanmoins des solutions légales pour assurer à son animal une vie agréable après son décès. Tout comme en matière de divorce, en tant qu'élément patrimonial, le devenir de l'animal est réglé lors de la liquidation patrimoniale. Les règles de la succession prévues aux articles 815 et suivant du code civil s'appliquent avec quelques particularités issues de la jurisprudence :

  • les frais d'entretien et de nourriture de l'animal du défunt sont considérées comme des dépenses exposées dans l'intérêt de l'indivision et doivent par conséquent être remboursés (Cour d'appel de Paris, 27 mars 2003)
  • la succession ne peut pas rembourser les frais de conservation de l'animal de la personne décédée en l'absence de concertation ou d'autorisation préalable (Cour d'appel Bordeaux, 6e chambre civile, 4 mars 2014, n° 12/04483)
  • l’animal peut être l’objet d’un legs avec charges : la personne lègue une somme d’argent à une association ou à une personne, qui devra prendre soin de l’animal jusqu’à son décès.

C'est cette dernière solution qui garantit la protection de l'animal et c'est celle qu'a choisie Karl Lagerfeld pour sa Choupette. Une personne physique ou morale (association ou fondation) est désignée pour recevoir l'argent nécessaire à l'entretien de l'animal avec engagement de respecter les volontés du défunt quant au bien-être de l'animal. La seule réserve est que ce legs ne doit pas léser les ayants droit de la personne décédée. Le grand couturier a probablement désigné une personne de son entourage qui est devenue le nouveau propriétaire de Choupette, à charge de lui assurer un avenir douillet. 

Au-delà du cas de Choupette qui ne suscite aucune inquiétude, il est important de désigner une personne de confiance et si c'est une association ou une fondation qui est choisie, d'être précis quant à son appellation. La solution est de se rendre chez un notaire pour formaliser cette désignation et le cas échéant, préciser dans le testament le legs qui permettra de couvrir les frais d'entretien.



Hervé Labatut

Par , le mardi 26 février 2019

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