Fiscalité du patrimoine : une réforme qui laisse sceptique.

Début d'esquisse jeudi de la réforme du patrimoine. Avec deux scénarios envisagés par le gouvernement : l'allègement de l'ISF ou une nouvelle taxation de l'enrichissement. Deux certitudes à ce jour ressortent de la présentation par le premier ministre : la non-taxation de la plus-value sur la vente de la résidence principale, évoquée il y a peu, mais qui passe à la trappe car totalement impopulaire et à l'encontre des objectifs en faveur de l'immobilier ; et la sortie de l'ISF de 300 000 contribuables grâce au rehaussement du seuil d'imposition. Entre les deux options, on remarque une grande différence de faisabilité, et ce qui les réunit, c'est l'incohérence par rapport aux objectifs socio-économiques.

La première proposition consiste à relever le seuil d'imposition de l'ISF de 790 000€ aujourd'hui à 1,3 million d'euros, ce qui écarterait de l'impôt 300 000 foyers (sur les 550 000 assujettis) pénalisés par le renchérissement de l'immobilier. Pour ceux ayant un patrimoine compris entre 1,3 million et 3 millions d'euros, la taxation serait de 0,25% et au-delà de 3 millions d'euros de 0,50% avec une exonération maintenue pour les oeuvres d'art et les biens professionnels. Les taux seraient donc réduits à 2 au lieu de 6 aujourd'hui, mais la taxation interviendrait dès le premier euro et non plus sur la partie au-dessus du seuil d'entrée. Problème : en rehaussant le seuil d'imposition, le gouvernement contribue à diminuer les investissements directs ou indirects qui alimentent les fonds propres des PME. Le dispositif ISF-PME permet aujourd'hui à un contribuable de bénéficier d'une réduction d'impôt à hauteur de 67,5% de son investissement direct (plafonné à 45 000€), ou de 45% de son investissement (plafonné à 18 000€) réalisé par le biais de fonds (FCPI, fonds communs de placement dans l'innovation par exemple). Les promoteurs des fonds d'investissements expliquent en effet que ce sont les contribuables des tranches les plus basses qui investissent majoritairement dans les PME pour réduire leur ISF.

L'autre option suppose une taxation de l'enrichissement et non pas de la richesse. Ne seraient concernées que les personnes détenant un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros, et l'impôt serait calculé en prenant en compte la progression de la richesse (variation de la valeur du patrimoine total, à savoir immobilier, valeurs mobilières, et assurance vie) sur l'année avec un taux unique situé entre 15% et 20%, le taux de 19% a été plus précisément évoqué. Si le patrimoine perd de sa valeur, un crédit d'impôt serait accordé sur les années ultérieures. Problème : l'assurance vie sera fortement touchée, puisque 90% des contribuables s'acquittant de l'ISF détiennent ce type de produits financiers. Certains assureurs montent déjà au créneau et dénoncent une politique qui veut taxer les plus-values latentes, en totale contradiction avec les objectifs économiques du pays : développer l'outil industriel français et européen grâce à l'épargne longue. Autre incohérence : les recettes fiscales seraient dépendantes de la volatilité du marché.

La décision finale sera connue en avril.