Dépendance : un enjeu national.

Le débat sur la dépendance est ouvert. Après le rapport de la députée UMP Valérie Rosso-Debord sorti en juin 2010 qui écartait déjà la création d'une cinquième branche de la Sécurité Sociale, la majorité sénatoriale vient de livrer ses réflexions sur l'imminent problème de société auquel les élus doivent s'attaquer après la réforme des retraites. Le rapport sur la dépendance présenté par le sénateur UMP Alain Vasselle reprend une grande partie des idées préconisées en juin dernier, notamment celle relative au patrimoine qui fait grincer des dents bon nombre d'acteurs sociaux.

On vit plus longtemps et on vieillit mieux. Paradoxe de cette amélioration, et en dépit des progrès de la médecine, les chiffres de la dépendance ne cessent d'augmenter. En 2008, la dépendance sévère touchait déjà 3,3% des personnes âgées de 60 à 79 ans et près de 14% des personnes de plus de 80 ans. Il faut ajouter les pertes d'autonomie moins invalidantes dont souffraient 14% des personnes entre 60 et 79 ans et 25% de celles de plus de 80 ans. L'Insee estime de son côté que les plus de 85 ans qui sont aujourd'hui 1,3 million suivront une courbe de croissance d'1% par an pour atteindre 5,4 millions en 2040. Se réjouir de l'allongement de la durée de vie signifie en parallèle s'interroger sur les conditions de vie des personnes âgées dépendantes et sur les moyens de financer la prise en charge.

Aujourd'hui toute personne dépendante âgée d'au moins 60 ans peut bénéficier de l'APA, allocation personnalisée d'autonomie, dont une grande partie est financée par les collectivités locales; Le montant de l'allocation dépend du niveau de dépendance (6 niveaux de perte d'autonomie selon les critères définis par la grille AGGIR), mais également des revenus de la personne : un ticket modérateur est laissé à la charge de la personne ou de son conjoint en fonction des revenus déclarés.

L'orientation principale du rapport sénatorial se dirige vers un financement mixte qui reposerait sur un niveau élevé de solidarité nationale complétée par une couverture assurantielle volontaire. On l'a bien compris, les finances publiques seules ne peuvent s'acquitter du sujet, le recours à une assurance privée pourrait passer par une réorientation de certains placements financiers (contrats d'assurance vie, de complémentaire retraite et de complémentaire santé) vers une garantie dépendance. S'assurer contre la dépendance n'aurait par contre aucune valeur obligatoire, une liberté de choix qui écarterait un pan entier de la population, celui des plus défavorisés pour qui financer à 50 ans un risque potentiel semble inconcevable.

L'autre piste avancée concerne la CSG à laquelle les retraités seraient assujettis comme les actifs : une disposition équitable entre tous les assurés, entre un jeune Smicard à fins de mois difficiles et un retraité qui vit convenablement de sa pension. La controverse s'exprime en revanche quand est évoquée l'éventualité d'un gage sur le patrimoine. Le principe consisterait à prélever une somme pouvant aller jusqu'à 20 000€ sur le patrimoine des personnes bénéficiant de l'APA. Le prélèvement interviendrait pour tout patrimoine au-delà de 150 000€ ou 200 000€, dans la mesure où l'APA sert à financer le maintien à domicile. Pour éviter que son patrimoine ne soit ponctionné et prive ainsi les héritiers d'une partie de leurs droits sur la succession, la personne âgée dépendante accepterait de recevoir seulement la moitié de l'allocation. Les défenseurs d'un tel dispositif mettent en avant l'effort que les enfants de personnes dépendantes doivent faire preuve pour participer financièrement aux dernières années de leurs parents. Cette piste doit s'inscrire dans la réflexion globale de la fiscalité du patrimoine, car elle pose le problème de ces personnes qui renonceraient au bénéfice d'une prise en charge pour ne pas léser leurs héritiers.

Si la dimension solidaire de la prise en charge de la dépendance se conçoit sans détour, l'effort participatif demandé aux descendants devra se juger à l'aune de l'aide directe que certains aidants familiaux n'hésitent pas à offrir à leurs parents âgés.