La substitution annuelle de l'assurance emprunteur reportée sine die

La substitution annuelle de l'assurance emprunteur reportée sine die

Inscrite dans la loi Sapin II, la substitution annuelle de l'assurance de prêt vient d'être censurée par le Conseil Constitutionnel. Qualifiée de "cavalier législatif", comme une trentaine d'articles ou de dispositions prévus par cette loi, la résiliation annuelle de l'assurance emprunteur devient la nouvelle "Arlésienne" du droit des consommateurs.

Pas de substitution annuelle de l'assurance emprunteur

Jeudi 8 décembre, le Conseil Constitutionnel a publié ses décisions concernant la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II. Ca passe pour l'assurance vie dont les nouvelles contraintes imposées en cas de crise majeure ont été validées sans difficulté par les Sages, ça coince pour l'assurance de prêt dont le volet 3 de l'article 82 a été qualifié de "cavalier législatif".

Pour les profanes, un cavalier législatif est une "mesure introduite dans la loi en préparation par un amendement qui n’a aucun lien avec le projet ou la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie en méconnaissance des règles posées par les articles 39 et 44 de la Constitution" (définition Dalloz). Le principe de résiliation annuelle de l'assurance emprunteur n'est pas jugé anticonstitutionnel, c'est la procédure que a été censurée. Le volet III de l'article 82 visait une extension du droit de substitution, une question sans lien direct avec les volets I et II qui traitent pour leur part de l'information de l'emprunteur. Un problème de procédure parlementaire qui n'a pas échappé aux sénateurs. Lors de l'examen du texte fin octobre, un amendement de suppression avait été déposé par la commission des affaires économiques du Sénat.

Qui veut la peau de la résiliation annuelle ?

Malgré le dernier mot de l'Assemblée, qui, le 8 novembre dernier, rétablissait le droit de substitution annuelle en lecture définitive de la loi Sapin II, l'argument procédural aura été retenu par le Conseil Constitutionnel. Elargir le changement de l'assurance de prêt au-delà des 12 mois prévus par la loi Hamon faisait pourtant consensus parmi les députés. Des élus de tous bords s'étaient montrés très favorables à la mesure, estimant la loi Hamon contrariée par les banques. En dépit des législations successives, l'assurance de prêt reste la chasse gardée des bancassureurs, leur procurant des rentes exorbitantes au détriment des emprunteurs.

Pour mémoire en mars dernier, la Cour de cassation avait annulé un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, qui avait un an plus tôt créé une jurisprudence laissant espérer une possible résiliation annuelle de l'assurance emprunteur. Deux avis contradictoires qui avaient incité les députés à trancher définitivement le sort de l'assurance emprunteur.

Si le respect de la procédure parlementaire est indiscutable, le lobbying des banques auprès des parlementaires s'est néanmoins montré très actif. Prétextant un risque de démutualisation induit par le changement annuel de l'assurance, les banques n'ont cessé, depuis l'entrée en vigueur de la loi Hamon, voire de la loi Lagarde, de jouer sur les ambiguïtés du cadre législatif. Le respect du principe de concurrence aurait favorisé la "dérentisation" d'un marché tenu à 85% par le secteur bancaire. Il faudra attendre la nouvelle mandature pour espérer que la substitution annuelle de l'assurance emprunteur sorte enfin de cette ornière législative.



Hervé Labatut

Par , le lundi 12 décembre 2016

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