Le gouvernement envisage de faciliter le changement de complémentaire santé. Vous pourrez peut-être résilier votre mutuelle à tout moment comme cela est déjà possible pour les contrats d'assurance auto et habitation. Une fausse bonne idée pour les organismes complémentaires qui y voient une manœuvre démagogique en plein débat sur le pouvoir d'achat.

Les assurés tenus par la tacite reconduction et la loi Chatel

L'assurance santé complémentaire n'est pas obligatoire, mais elle n'en demeure pas indispensable pour éviter des restes à charge trop importants. Par son caractère essentiel, la mutuelle constitue une dépense contrainte qui grève le budget des Français. Aujourd'hui, pour en changer, un assuré est tenu par les délais : la résiliation du contrat n'est possible qu'une fois par an à la date d'anniversaire dudit contrat dans le respect d'un préavis de deux mois en général. A défaut, le contrat est reconduit par tacite reconduction, c'est-à-dire qu'il se poursuit automatiquement si aucune des parties n'a exprimé sa volonté d'y mettre fin, un principe censé protéger l'assuré qui oublierait de renouveler son contrat mais qui avantage surtout les assureurs. Les assurés peuvent néanmoins bénéficier de la loi Chatel qui expose les assureurs à des obligations en matière de reconduction du contrat. Sans remettre en cause la notion de tacite reconduction, la loi Chatel introduit plus de souplesse en obligeant l'assureur à informer l'assuré de sa possibilité de résilier entre 3 mois et 15 jours avant la date limite de résiliation. Sans avis d'échéance, un assuré peut résilier à tout moment.

Simplifier le changement de complémentaire santé...

Alors que le gouvernement met en place progressivement sa réforme 100% Santé qui prévoit le remboursement intégral de certains frais dentaires, d'optique, et d'audiologie, il envisage également de permettre aux assurés de changer de contrat complémentaire plus facilement : on pourrait résilier à tout moment une fois achevée la première échéance. La mesure fait l'objet d'un amendement qui sera déposé au Sénat dans le cadre de l'examen de la loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprise) le 29 janvier prochain. Le gouvernement espère faire baisser le prix des complémentaires en insufflant plus de concurrence dans un marché qui l'est déjà. Sont concernés les mutuelles, mais aussi les assurances santé et les contrats de prévoyance, souscrits collectivement par les entreprises pour leurs employés.

...une fausse bonne idée

En pleine bataille sur le pouvoir d'achat, le projet semble tomber à point nommé, mais il déplaît fortement aux organismes complémentaires, un euphémisme alors que la polémique sur l'augmentation des tarifs 2019 est à peine retombée. Tous déplorent l'absence de concertations préalable et d'étude d'impact. Derrière une idée favorable aux consommateurs, les effets pervers sont déjà exprimés. Selon Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, "les mutuelles vont mobiliser des ressources supplémentaires pour aller conquérir en permanence de nouveaux adhérents". Cela risque de grossir les frais de gestion, et par capillarité, d'avoir un impact sur les tarifs pratiqués. Même son de cloche au CTIP (Centre Technique des Institutions de Prévoyance) : une telle mesure serait "inadaptée, porteuse de risques majeurs et totalement contradictoire avec la volonté d'agir en faveur du pouvoir d'achat des Français". La résiliation infra-annuelle provoquerait un turn-over important des contrats qui pourrait faire grimper les frais de gestion. 

La résiliation des contrats d'assurance à tout moment gagnerait ainsi le domaine des contrats de santé, après celui des assurances auto et habitation en 2015 (loi Hamon). A l'époque, les acteurs avaient mis en garde contre une inflation des frais de gestion qui engendrerait une pression tarifaire, un diagnostic qui s'est révélé juste.