Complémentaire santé : le Conseil Constitutionnel donne raison à Allianz.
Belle victoire pour le groupe Allianz et par extension pour tous les assureurs. Le Conseil Constitutionnel a censuré jeudi dernier les clauses de désignation permettant d'imposer un organisme complémentaire à toutes les entreprises d'une même branche professionnelle. La bataille engagée par l'assureur contre le gouvernement pour faire valoir les droits de libre concurrence dans la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés est finalement gagnée.
Les clauses de désignation
Inscrites à l'article 1 de la loi sur la sécurisation de l'emploi qui prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés d'ici janvier 2016, les clauses de désignation avaient provoqué l'indignation des assureurs et des mutualistes avant même l'adoption de la loi en mai dernier. En dépit d'un avis défavorable de l'Autorité de la Concurrence, le gouvernement avait décidé de maintenir les clauses de désignation. Elles imposent aux entreprises relevant d'une convention professionnelle de souscrire l'organisme complémentaire auquel les partenaires sociaux confient la gestion de leur régime de prévoyance. Ces clauses peuvent prévoir une migration obligatoire qui contraint l'entreprise déjà souscripteur d'un contrat collectif à s'affilier au nouvel organisme désigné.
Non-respect de la libre concurrence
Assureurs, mutuelles et intermédiaires d'assurance combattent depuis plusieurs années ce type de disposition qui est pourtant clairement validé par l'article L.912-1 du Code de la Sécurité Sociale, issu de la loi du 8 août 1994. En mars 2011, la Cour de Justice de l'UE avait approuvé l'affiliation obligatoire des entreprises d'une branche professionnelle avec clause de migration, indiquant qu'il n'y avait pas de position dominante constitutive d'un abus (cas de l'AG2R désignée par la profession boulangerie pâtisserie artisanale). La transposition légale de l'ANI (accord national interprofessionnel) a fait monter la colère des assureurs d'un cran : les clauses de désignation avantagent directement les institutions de prévoyance, déjà majoritaires sur le segment des contrats collectifs, au détriment des autres acteurs. En péril, des milliers d'emplois que risquent de perdre la profession pour non-respect de la libre concurrence.
Censure du Conseil Constitutionnel
La contre-attaque est venue du groupe Allianz. Le numéro 2 mondial en assurance de personnes a contesté la validité des clauses de désignation et de migration en déposant fin mai une question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil d'Etat et de la Cour d'appel de Paris. Jeudi 13 juin, les Sages ont rendu leur verdict : s'ils valident dans sa quasi-totalité le texte sur la sécurisation de l'emploi, ils rejettent en revanche les clauses de désignation, car elles sont contraires à la Constitution au nom des libertés d'entreprendre et de contracter. La censure du Conseil d'Etat rend de fait anti-constitutionnel l'article L.912-1 du Code de la Sécurité Sociale et redonne de la transparence dans le choix des prestataires au moment même où plus de 90% des accords de branche ont désigné des institutions de prévoyance.

Par Audrey Benzaquen, le mardi 18 juin 2013