Santé : compromis sur les dépassements d'honoraires

Après un accord arraché sous la pression du gouvernement mardi 23 octobre, le texte sur les dépassements d'honoraires a finalement été officiellement signé le jeudi suivant. Les trois parties, l'Unocam (complémentaires santé), les syndicats majoritaires de médecins, et l'Assurance Maladie, ont mis un terme au long feuilleton des dépassements d'honoraires dont l'intrigue se nouait au détriment des assurés. Ces derniers sont-ils les grands gagnants du happy end qui s'est joué mardi soir ?

C'est ce que prétend le président du CMSF, premier syndicat de médecins libéraux. Mais déjà mercredi, soit la veille de la signature du texte, plusieurs voix s'élevaient pour exprimer leurs doutes quant à l'efficacité de ce nouveau dispositif d'encadrement des dépassements d'honoraires. Cet accord est un compromis, avec "tous les avantages et les fragilités des compromis", selon les termes du président de l'Unocam. L'effort de concessions des uns semble en effet plus appuyé que celui des autres.

Que dit le texte ?

2,5 fois le tarif conventionné de la Sécu, tel était défini un dépassement abusif par l'Assurance Maladie. Ce curseur reste inscrit dans le texte mais il ne sera pas l'unique critère d'appréciation des tarifs excessifs. Seront également pris en compte le lieu d'exercice et la spécialité. Paris n'est pas la province, la campagne n'est pas la ville. Une règle de la pratique tarifaire abusive à géométrie variable et un déficit de compréhension pour les assurés.

Pour réduire concrètement les dépassements d'honoraires, est créé un dispositif incitatif, le contrat d'accès aux soins : les médecins de secteur 2 s'engagent pour trois ans à plafonner leurs dépassements d'honoraires (inférieurs à deux fois le tarif conventionné). En contrepartie, la consultation d'une personne de plus de 80 ans est majorée de 5€, majoration prise en charge par l'Assurance Maladie, ce qui fait d'autant moins à payer pour le patient. Autre avantage, une partie de leurs cotisations sociales sera prise en charge. Ils devront par ailleurs faire payer la consultation au tarif de la Sécu aux cas d'urgence, aux bénéficiaires de la CMU et de l'ACS.

Les médecins du secteur 1, ceux qui pratiquent les tarifs conventionné, verront leurs tarifs revaloriser par une enveloppe de 320 millions sur 3 ans dont 150 millions à la charge des organismes complémentaires. Les mutuelles préfèrent en effet aider au financement du secteur 1 plutôt que renforcer leur contribution au remboursement des dépassements d'honoraires du secteur 2 (qui représente déjà 800 millions par an pour elles). Au titre de compensation pour améliorer le suivi, un forfait de 5€ par patient et par an sera versé pour tout médecin traitant, qu'il exerce en secteur 1 ou qu'il ait signé le contrat d'accès aux soins, qui orientera son patient vers un spécialiste au sein du parcours de soins.

Confusion pour les assurés

Les signataires le jugent équilibré, car il satisfait aux exigences de diminuer les dépassements d'honoraires, de limiter ceux jugés abusifs par un dispositif de suivi et d'inciter les praticiens qui accepteront de modérer leurs dépassements. Signataire de l'accord, la Mutualité Française estime que le dispositif adopté "privilégie la maîtrise des dépassements d'honoraires et non solvabilisation" (remboursement par les complémentaires). S'il revalorise le travail des médecins de secteur 1, l'accord ne règle en rien les dépassements d'honoraires, puisqu'il ouvre à nouveau la voie du secteur 2 aux praticiens du secteur 1. On revient finalement au secteur optionnel qu'avait voulu créer le gouvernement Fillon. En signant un contrat d'accès aux soins, les médecins de secteur 2 continuent de pratiquer des dépassements d'honoraires, certes encadrés, mais bénéficient en plus des avantages du secteur 1 (exonérations de charges sociales). Tout cela se fait sur la base du volontariat, comme toutes les options de coordination proposées par l'Assurance Maladie en 2008 et 2011. Quel médecin ne choisira pas de préserver ses intérêts ? Là où le gouvernement avait demandé plus de clarté dans le système de santé, on aboutit à un montage complexe qui ne permet guère aux assurés de mieux s'y retrouver.



Francesco Romanello

Par , le lundi 29 octobre 2012

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