Mutuelle santé : la couverture santé à tous les salariés en contradictions avec l'intérêt commun.

L'accord du 11 janvier dernier sur la sécurisation de l'emploi prévoit la généralisation de la couverture santé complémentaire à l'ensemble des salariés du secteur privé. Alors que la transposition de cet accord suit son parcours législatif, des voix rappellent au gouvernement que cette mesure va à l'encontre des intentions exprimées par l'exécutif à l'automne dernier.

A compter du 1er janvier 2016, tous les salariés du secteur privé seront couverts par un contrat collectif. Seraient concernés environ les 3,5 millions de personnes qui ne bénéficient pas encore d'une couverture santé complémentaire au sein de leur entreprise.

Premier problème, le coût de financement supporté par les comptes publics, estimé entre 2 et 4 milliards d'euros. A cela s'ajoute la charge pour les entreprises que représente la mise en place d'une telle couverture. L'article 911-7 du projet de loi indique que l'employeur assure au minimum la moitié du financement de la complémentaire santé sur la base d'un panier de soins minimum (forfait journalier, soins dentaires, dispositifs médicaux). Pour le Medef, pas question pour les entreprises d'en subir le coût aussi brutalement. Le patronat réclame que soient définis des délais de mise en oeuvre.


Deuxième problème, la désignation des prestataires. Alors que le texte initial prévoyait le libre choix pour les entreprises après recommandation du ou des prestataires par les partenaires sociaux, la traduction législative entérine le maintien des clauses de désignation, c'est-à-dire que les partenaires sociaux sélectionneront le ou les organismes assureurs qui assumeront la gestion du contrat collectif pour l'ensemble de la branche. Sera renforcée la position dominante des institutions de prévoyance dans le secteur de l'assurance santé collective et cela au détriment les mutuelles, des assureurs et des courtiers d'assurance. Au-delà des pertes d'emplois induites par ce rétrécissement du champ concurrentiel, ces derniers estiment que les intérêts des entreprises et de leurs employés sont bafoués.


Troisième problème, la généralisation tout à fait louable de la complémentaire santé pour les salariés vient à l'encontre du principe d'égalité entre les assurés. Pour le député PS Gérard Bapt, par ailleurs rapporteur des questions de santé au sein de la commission des finances, le problème a été "pris à l'envers". Cette mesure est, selon lui, en contradiction avec les intentions de François Hollande. A l'occasion du congrès de la Mutualité en octobre dernier, le président de la République avait exprimé le souhait de généraliser l'accès à une couverture complémentaire de qualité aux 4 millions de personnes qui en sont privées d'ici à l'horizon 2017. Dans un contexte où l'enjeu majeur est de préserver les comptes publics, l'accord sur la généralisation de la couverture santé aux salariés du privé priverait l'Etat d'au moins 2 milliards d'euros par le biais des niches sociales et fiscales accordées aux contrats collectifs. Une somme qui pourrait être destinée à financer un contrat de santé élargi aux plus démunis.



Francesco Romanello

Par , le jeudi 28 mars 2013

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