Mutuelle santé : le déremboursement des lunettes est un faux problème.

Dans son dernier rapport la Cour des Comptes préconise de dérembourser les lunettes et les lentilles. Proposition vite balayée par Marisol Touraine, ministre de la Santé, qui a tenu à rassurer quant au maintien de la prise en charge des dépenses d'optique par l'Assurance Maladie. La mesure, il est vrai, aurait sans doute eu un effet néfaste sur la popularité d'un gouvernement déjà accusé de matraquer les contribuables. Et pourtant, le déremboursement des lunettes par le régime général est effectif depuis longtemps.
La proposition de la Cour de Comptes ferait économiser quelque 200 millions d'euros à la Sécurité Sociale, une goutte d'eau dans la dette abyssale de l'institution (9 milliards d'euros en 2013 pour la seule branche maladie). Une goutte d'eau au regard des frais réels laissés à la charge des assurés et de leurs mutuelles. Plus de 5 milliards d'euros sont dépensés chaque année en frais d'optique, environ 3% de cette somme sont pris en charge par le régime général, le reste par les assurés et les organismes complémentaires, dont 3,7 milliards pour ces derniers. Le problème n'est donc pas un éventuel désengagement total de l'Assurance Maladie sur l'optique, puisqu'il est déjà acté, mais d'agir concrètement sur le prix d'un produit (lunettes) qui est essentiel dans la vie quotidienne d'un grand nombre de français.
Aujourd'hui le remboursement des lunettes correctrices est laissé aux organismes complémentaires. L'idée de la Cour des Comptes ne ferait d'entériner cet état de fait et augmenter les dérives dues à un système vicieux. On pourrait même accuser les Sages de vouloir créer un effet d'aubaine à deux ans de la généralisation de la complémentaire santé à l'ensemble des salariés du privé, et à l'heure où le projet de loi Le Roux veut imposer les réseaux de soins fermés en optique et dentaire. Le rôle des complémentaires étant renforcé, on peut légitimement se poser la question de conserver une prise en charge, même minime, par la Sécurité Sociale. Le régime général perdait alors son caractère universel en ne couvrant plus tous les soins ni tous les Français, puisque les jeunes, les chômeurs et les seniors qui doivent se couvrir individuellement, et plus largement les plus modestes, ne pourront accéder aux soins les plus onéreux. On pense aux soins d'optique, mais aussi aux soins dentaires et d'audition, également très peu remboursés par l'Assurance Maladie.
Accusés de grossir les prix, les opticiens. Ils n'hésitent à pas à profiter au maximum des forfaits inclus dans les contrats complémentaires et à inciter les assurés à consommer des produits de luxe aux marges exorbitantes. Les opticiens français sont les plus chers d'Europe. Leur nombre ayant presque doublé en 10 ans, ils doivent donc augmenter leurs marges pour compenser une trop grande concurrence. Avant que le marché se régule de lui-même ou que la loi s'en mêle, la seule parade pour l'assuré est de choisir son opticien parmi les réseaux mis en place par les compagnies d'assurance pour économiser jusqu'à 20%.



Francesco Romanello

Par , le jeudi 19 septembre 2013

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