Mutuelle santé : l'inquiétante évolution des dépassements d'honoraires.
Un des chevaux de bataille du gouvernement est de défendre l'accès aux soins pour tous. Contenue dans les fondamentaux de la Sécurité Sociale, l'égalité des Français face au système de santé n'est malheureusement pas assurée. Il existe bel et bien une fracture sanitaire, comme la nomme l'organisme UFC-Que Choisir : s'il est impossible d'ignorer les déserts médicaux qui touchent principalement les zones rurales, il faut aussi ajouter l'exclusion sanitaire induite par la pratique des dépassements d'honoraires. Aucune zone n'est épargnée, les ménages les plus fragiles ont difficilement accès aux soins, incapables de supporter le reste à charge que leur complémentaire santé ne peut compenser par un niveau de garanties trop faible.
Pire, les dépassements d'honoraires sont en augmentation. L'UFC-Que Choisir a étudié leur évolution sur trois spécialités (5 560 ophtalmologistes, gynécologues et pédiatres en secteur 2) entre juillet 2012 et juin 2013. La croissance moyenne sur un an est de 1,7%, de 7% pour les pédiatres. Loin devant le taux de l'inflation relevé sur la période (0,9%). La première cause est l'augmentation des tarifs pratiqués par 45% médecins. La seconde est la préférence des jeunes médecins pour le secteur 2 : ils sont 66% à s'installer en secteur libre contre 44% des praticiens retraités qu'ils remplacent. Cette étude fait écho à celle publiée au printemps dernier par le réseau Santéclair et l'association 60 millions de Consommateurs : entre 2010 et 2012, les tarifs des médecins en secteur 2 auraient augmenté de 9%, une dérive à 2,1 milliards pour l'année 2012. Une facture payée par les assurés et leurs complémentaires. Là aussi la disparité entre les assurés est criante : quand un patient en Moselle paye un ticket modérateur de 8,20€ pour consulter un spécialiste, un parisien aura un reste à charge de près de 40€.
Serait-il impossible de résoudre le problème des dépassements d'honoraires ? La réponse du gouvernement à cette dérive a engendré des débats houleux à l'automne dernier. L'accord signé en octobre 2012 pour juguler les dépassements d'honoraires excessifs prévoit la création d'un contrat d'accès aux soins. Sur le principe du volontariat, les médecins libéraux s'engageraient à geler leurs pratiques tarifaires durant 3 ans et à limiter leurs dépassements à 100% du tarif opposable en échange d'un allègement des charges sociales. L'entrée en application du dispositif était prévu le 1er octobre si 30% des médecins concernés étaient signataires. Mi-septembre il en manquait 700 (sur 8 200) pour que le démarrage ait lieu. Pour beaucoup, ce contrat d'accès aux soins constitue un effet d'aubaine pour de nombreux chefs de clinique qui n'étaient jusqu'alors pas autorisés à pratiquer des dépassements.
La solution plus drastique d'UFC-Que Choisir consisterait à fermer le secteur 2 et à plafonner les dépassements d'honoraires à 40% du tarif Sécu, soit la prise en charge médiane par les organismes complémentaires. Une mise à plat de la rémunération des médecins est également réclamée.

Par Audrey Benzaquen, le vendredi 4 octobre 2013