Mutuelles : nouveau décret sur les dépassements d'honoraires.

Le combat aura été vain. Les mutuelles sont désormais contraintes de rembourser les dépassements d'honoraires de certains praticiens. Le décret et l'arrêté stipulant l'obligation des organismes complémentaires de prendre en charge les dépassements d'honoraires plafonnés de certains spécialistes ont été publiés hier jeudi au Journal Officiel. La mesure passée en force par le gouvernement ne convainc pas, car, loin de résoudre le problème des dépassements d'honoraires, il pourrait à l'inverse le creuser et pénaliser encore plus les ménages les plus modestes.

Contre l'avis appuyé des organismes complémentaires et des associations de consommateurs, le gouvernement entérine la création d'un secteur intermédiaire pour stopper les abus des dépassements d'honoraires. Ce nouveau secteur appelé très diplomatiquement "option de coordination" est ouvert aux trois médecins spécialistes de bloc opératoire (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes). Ces praticiens, habitués au secteur 2 à honoraires libres, pourront, s'ils le souhaitent, pratiquer des dépassements d'honoraires limités à 50% des tarifs conventionnés sur 70% de leurs actes. Ils s'engagent en contrepartie à facturer les tarifs opposables pour les 30% restants. Il revient aux organismes complémentaires de prendre en charge les dépassements encadrés par ce nouveau secteur. A défaut de se plier à leur obligation, elles seront privées des avantages fiscaux dont elles bénéficient grâce aux contrats responsables et solidaires. Dans l'absolu, il faut comprendre que les mutuelles devront proposer un remboursement des dépassements d'honoraires encadrés par le secteur optionnel dans leurs contrats de première gamme.

Pourquoi la mesure est-elle controversée ? Parce qu'elle risque de créer un effet d'aubaine, et sur ce point, médecins concernés et mutuelles semblent s'accorder. Les médecins de secteur 2 avec de gros honoraires ne vont pas changer de méthode, en revanche ceux du secteur 1 pourraient trouver la formule intéressante. Au lieu de diminuer le montant excessif des dépassements d'honoraires (2,5 milliards à la charge des mutuelles et des assurés), la création de ce secteur optionnel ne fera que favoriser les pratiques abusives. Le secteur 2 avec des tarifs libres est maintenu, vient s'y ajouter un secteur intermédiaire qui légalise une nouvelle forme de dépassements d'honoraires.

L'incidence sera lourde et immédiate pour les mutuelles qui n'auront d'autre choix qu'augmenter les cotisations. En bout de chaîne, les assurés, qui paieront plus cher pour se soigner, et pour certains renoncer à s'assurer. La formule est imparfaite, plus singulièrement elle semble manquer totalement de cohérence. Une logique a minima aurait voulu que soient relevés les tarifs opposables du secteur 1 et qu'on laisse les mutuelles gérer plus ou moins généreusement les dépassements d'honoraires du secteur 2. Avec le secteur optionnel, le remède est pire que le mal.



Audrey Benzaquen

Par , le vendredi 30 mars 2012

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