Mutuelle santé : polémique sur le tiers payant généralisé.

Le projet de loi sur la santé présenté jeudi 19 juin en Conseil des Ministres prévoit notamment le tiers payant à tous les assurés à compter du 1er janvier 2017. La mesure obligera les médecins à se faire payer directement par l'Assurance Maladie et les organismes complémentaires. Une lourdeur administrative que craignent la plupart d'entre eux.

Ce système déjà bien rodé qui consiste à dispenser l'assuré de l'avance de frais médicaux se pratique depuis une vingtaine d'années dans les pharmacies (désormais sur seule acceptation de l'usage de médicaments génériques), et depuis quelques années dans certains cabinets de radiologie et d'analyses médicales, et chez certains opticiens. Le tiers payant peut également s'appliquer de droit dans plusieurs situations, notamment pour les bénéficiaires de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) ou de l'ACS (aide à la complémentaire santé), ou dans le cadre de mineures de moins de 15 ans qui consultent pour leur contraception. Sur présentation de la carte Vitale et d'autres documents d'attestation selon les cas, l'assuré bénéficie du tiers payant total ou partiel (non prise en charge des participations forfaitaires).


La ministre de la Santé Marisol Touraine souhaite que le dispositif soit étendu d'ici 2017 à tous les assurés pour les consultations chez leur généraliste. Dans le respect du parcours de soins coordonné, ne resterait à la charge de chaque assuré que la participation forfaitaire de 1€ retenue sur chaque consultation (sauf exceptions), la part remboursée par la mutuelle (soit 6,90€) étant intégrée dans la dispense d'avance de frais pour ceux qui bénéficient d'un remboursement complémentaire.
S'ils reconnaissent l'intérêt de développer le tiers payant pour les assurés modestes (tiers payant social), les médecins jugent d'un mauvais oeil sa généralisation à l'ensemble des assurés. Outre le fait d'augmenter le travail administratif avec l'Assurance Maladie, le système les obligerait à tenir une comptabilité pesante avec les organismes complémentaires. Pour mémoire, ces derniers sont au nombre de 400. Déjà fort chargés par leur propre travail, les médecins libéraux redoutent cette contrainte administrative chronophage. Les pharmaciens qui pratiquent le tiers payant depuis deux décennies et qui sont obligés, pour certains, de sous-traiter la gestion des remboursements, abondent dans leur sens.


Le tiers payant généralisé suscite une autre controverse : la déresponsabilisation des patients induite par la gratuité des soins, avec un risque de surconsommation, ce qui va à l'encontre de l'objectif de réduction des déficits. Les praticiens craignent un changement des comportements et une dévalorisation de l'acte médical. Selon eux, le tiers payant généralisé est une menace pour la médecine libérale et offre toutes les conditions pour orienter les médecins vers le salariat par l'entremise déterminante des mutuelles. D'ici janvier 2017, il reste du temps pour peaufiner le projet.



Audrey Benzaquen

Par , le vendredi 4 juillet 2014

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