Assurance maladie : vers la privatisation de la protection sociale.

Dans un article du journal Le Monde, Didier Tabuteau, professeur à Sciences Po et spécialiste de la protection sociale, livre sa vision de la politique de santé publique en France et analyse l'évolution de notre système grandement déficitaire en pleine mutation. Il constate que le taux de remboursement des soins courants n'est plus que de 50%, un sentiment partagé par la plupart des Français qui subissent de plein fouet la hausse du reste à charge.

Le décalage entre le taux de remboursement global des soins et la perception qu'en ont les assurés réside dans la disparité même des taux selon les postes de santé. En 2008, le taux global de prise en charge par l'Assurance Maladie était de 75,5%, un taux performant au regard d'autres pays occidentaux. Ce taux est relativement cohérent, puisqu'il évolue peu ; il était de 77% en 2007. Mais il tend à baisser graduellement et cache surtout la disparité des taux selon les domaines. Les affections de longue durée (ADL) ont un taux de prise en charge entre 90% et 100%, les dépenses d'hospitalisation ont elles aussi un taux très élevé, tandis que les dépenses de soins courants, c'est-à-dire la médecine de ville, ont une prise en charge qui régresse.

Didier Rabuteau propose la création d'un taux de remboursement qui soit plus proche de la réalité et qui prendrait en compte les remboursements des soins hors hospitalisation et affections longue durée qui viennent fausser les chiffres. L'impression de payer plus pour se soigner est bien réelle et dans un contexte économique qui implique la mise en place de réformes drastiques, Didier Rabuteau souhaite que les pouvoirs publics modifient le mode de calcul du taux pour que l'image de notre système de santé corresponde à une réalité tangible. Selon lui, le taux de remboursement serait de 55% pour les soins courants, soit un euro sur 2 non pris en charge par l'Assurance Maladie. La part restante est plus ou moins bien remboursée par les mutuelles et complémentaires santé, or tous les assurés n'en bénéficient pas pour des raisons budgétaires essentiellement. Avec un désengagement croissant de l'Assurance Maladie, l'inégalité gagne du terrain.

Les dernières mesures gouvernementales pour réduire le déficit de la Sécurité Sociale n'ont fait qu'aggraver le recul du taux de remboursement : hausse du forfait hospitalier, franchises médicales, baisse de remboursement d'un grand nombre de médicaments et dépassements d'honoraires. Par ailleurs, la progression des ADL depuis quelques années induit des dépenses en nette hausse. Une tendance qui ne fera que se confirmer avec le vieillissement de la population. Pour conserver à notre système de santé son rôle de protection sociale égalitaire, le gouvernement doit s'engager sur la voie d'une réforme approfondie en prenant en compte les facteurs évolutifs de notre société.



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